Dans les locaux de l'UEVACJEA
26, rue du Renard - 75020 PARIS
27 octobre 2013
Cérémonie de remise de
la médaille des Justes attribuée à
Louis et Marguerite GRENOUILLET
Texte lu par Nadia Grobman pour Simon Grobman Décret du 23 septembre 1942
L”arrestation des juifs roumains est ordonnée par le décret du 23 septembre 1942.
Dès le lendemain, chez-nous, rue de Nantes, 10 heures du matin, 3 inspecteurs en civil ont arrêté mes parents, Enta ma mère, Gherson mon père, devant Betty et Sarah, mes deux sœurs ainées, Mme Fred une de nos voisines venue nous rendre visite et moi.
Ma mère m'a poussé vers Mme Fred. "Toi, va avec ta mère " J 'ai suivi Mme Fred sans dire un mot. Il n'y a pas eu d°adieu. Je n'ai pas revu mes parents, du camp d'intenement de Drancy, ils ont été déportés par le convoi n° 38, parti tôt le matin du 28 septembre. Dans ce convoi de 900 juifs, ma mère a retrouvé Tauba, sa sœur et ses 3 jeunes enfants, Jacques, Odette, et Liliane, la petite dernière âgée de 13 mois. Ma mère et ma tante seront exterminées avec les enfants dans les chambres à gaz d”Auschwitz, le 29 septembre 1942.
Il ne se sera écoulé que 6 jours entre leur arrestation et leur mise à mort. J'étais roumain, j'étais déportable.
Le lendemain matin de l'arrestation de mes parents, deux gendarmes m'ont recherché : "Il n”est plus là, il a été «pris» hier, Madame Leclerc, notre gardienne, a réussi à les éloigner. Je ne suis évidemment pas retourné à l'école, je n'ai plus dormi à la maison, mes sœurs m'ont caché chez leurs amis, chaque soir dans un lieu différent, puis pendant quelques mois au Mans chez Mme Michelin, l'une des nos voisines, chez mon oncle à Livry Gargan, avec Sarah aux Ruines de la Madeleine, jusqu'au jour où grâce au dévouement actif des femmes juives résistantes dont la mission était de rechercher des lieux sûrs pour les enfants en péril, je me suis retrouvé à Saint Georges Motel chez Monsieur et Madame Grenouillet.
Mes très chers, Louis et Marguerite, Justes parmi les Nations, aujourd'hui vous êtes mis à l”honneur. C'était mon vœu le plus cher. Mes remerciements à tous ceux qui m'ont aidé à le réaliser. Au Comité, Yad Vashem, Jérusalem, pour leur avoir attribué cette distinction décernée par Israël, héritage honorifique remis à Michel Renaud leur petit neveu. A Yad Vashem Paris, à leurs délégués, Viviane Saül, et Paul Ejchenrand. Mes remerciements à Monsieur le Maire, Eric Deslandes, à Michel Marty, Gilbert Frétigny, présidents de l°association du patrimoine de Saint Georges Motel. A la famille de Michel et Bluette Renaud avec lesquels nous avons tissé des liens d”amitié. Merci à Serge Klarsfeld pour son œuvre immense : « le mémorial de la déportation des juifs de France ›› dans lequel nous avons tout appris de la disparition des nôtres. Je m'adresse encore une fois à vous deux, mes très chers Louis et Marguerite, au nom de mes parents, je veux vous transmettre la reconnaissance infinie qu”ils n'ont pas pu vous témoigner. |
Simon GROBMAN
Texte lu par Nadia GROBMAN pour Simon GROBMAN
Sont venus ces temps de liberté, la vie reprend ses droits, le joug nazi ne nous oppresse plus, nous sommes libres ! Peu à peu, les prisonniers de guerre libérés retrouvent le sol de France, les rescapés des camps reviennent à la vie. Chez Louis et Marguerite, les parents sont heureux de pouvoir rechercher leurs enfants. Les miens ne sont pas revenus. Le choc est rude. Pour moi, le temps s'arrête là. Par courrier, l°OPEJ avise de mon rapatriement sur Paris. Ma valise est prête... La déléguée se fait attendre... Bouleversés, Louis et Marguerite, une fois de plus, réagissent à mon désarroi : « Tu seras notre fils, tu seras un Grenouillet ››. ' l Je ne peux évoquer cet épisode sans une grande émotion. Leur souvenir restera gravé dans le jardin des Justes à Jérusalem, à Paris, dans l”allée des Justes, tout près du Mémorial de la Shoah, il restera éternel par le diplôme et la médaille qui leur ont été attribués, mais surtout il reste en moi. Je dois inclure dans mon hommage, ma reconnaissance aux habitants de mon village de Saint-Georges, à mes camarades de classe, Michel, Henri, Auguste, témoins de ma présence sur les bancs de l'école. Je dois honorer la conduite exemplaire de mon instituteur, Mr Guilhard, il a été celui qui a désobéi aux ordres, celui à qui nous devons d”avoir pu aller à l”école comme tous les enfants du village, celui qui dans sa fonction de secrétaire de mairie a passé outre le tampon « juif ›› apposé sur nos cartes d”alimentation. Je dois y associer la sage intervention de notre curé auprès de Louis pour que nous soyons présents au catéchisme et à la messe tous les dimanches. Par leur silence, au mépris des risques qu°ils encouraient, tous deux ont participé à notre sauvegarde. Comment passer sous silence le courage de ces héros de l°ombre, leurs actes d'humanité, leurs actes de résistance. Nous sommes les derniers témoins garants de cette mémoire, et nous avons aujourd”hui, il est plus que temps, le devoir de la transmettre à nos jeunes générations.
INTERVENTION DE FRANCOIS SZULMAN COPRESIDENT DE L”UNION DES ENGAGES VOLONTAIRES ANCIENS COMBATTANTS JUIFS, LEURS ENFANTS ET AMIS.
Madame et Monsieur les délégués du Comité français pour Yad Vashem, Madame la représentante de l'ambassade d'Israël, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs, Chers amis.
C'est un grand honneur pour notre UNION d”accueillir cette cérémonie de remise de la "Médaille des Justes parmi les Nations" dans cet espace qui symbolise l'engagement volontaire des juifs étrangers dans l°armée française pour la défense de la France, leur patrie d°adoption, au cours de la seconde guerre mondiale. A l'image de nos pères qui se lancèrent courageusement dans la lutte contre le nazisme dès le 3 septembre 1939, nous honorons la mémoire de Louis et Marguerite GRENOUILLET qui avec le même courage et sans une hésitation devant les risques mortels encourus, ont sauvé des enfants juifs destinés à une mort programmée, dont mon ami, Simon GROBMAN, qui s'est battu"bec et ongles" pour obtenir cette distinction décernée à titre posthume pour ses sauveurs Louis et Marguerite GRENOUILLET. Je veux ici exalter en parallèle l'engagement des 25 000 juifs étrangers et l'engagement des Justes de France, qui, dans le même élan de bravoure, n”écoutant que leur cœur et leur raison, se sont levés pour combattre la barbarie nazie. Ces hommes et ces femmes resteront à jamais un exemple dans la lutte pour la défense de la dignité humaine.