Aujourd’hui, les descendants de ces combattants font beaucoup pour transmettre l’héritage et le profond courage des engagés volontaires juifs.Vous êtes devant nous, ici, pour témoigner de cet engagement. Mais nous avons tous un devoir particulier envers ces combattants. La mémoire ne peut en effet se réduire au seul devoir envers les disparus et à la seule obligation envers les survivants. Il faut insister auprès des plus jeunes, qui n’ont pas connu cette période, sur le sens de l’engagement de ces hommes. Ce début d’année a été marqué par les attentats des 7,8 et 9 janvier, qui ont bouleversé toute une population, et au-delà de notre pays, ont provoqué un élan de solidarité internationale à notre égard. Les victimes de ces attentats odieux n’ont pas été frappées au hasard. Journalistes, intellectuels, policiers dans l’exercice de leurs fonctions, secrétaires de rédaction, agents de maintenance, citoyens de confession juive, assassinés parce que juifs : elles incarnaient chacune à leur façon la République française, sa diversité et ses valeurs. Des valeurs intemporelles de liberté d’être, liberté de penser, liberté de dessiner, liberté de croire ou de ne pas croire… Des valeurs universelles issues de la Révolution française, de la Commune, du Front populaire et de la Libération de Paris.
A ce moment, je veux remercier l’armée française représentée ici par la Légion étrangère. Je tiens à vous remercier pour l’opération Sentinelle et vous dire notre reconnaissance. Au même titre que les tueries de Montauban et de Toulouse, cette tragédie nous interpelle et nous réinterroge sur le rôle de la Mémoire et de l’Histoire dans la culture et dans l’éducation. Nous devons faire preuve de courage, d’engagement, de fidélité et d’éducation. Et faire de la mémoire aujourd’hui, c’est peut-être tout simplement redonner un sens à ces quatre mots, Le courage : au moment où le peuple est frappé, où l’on tente de le terroriser, de le réduire au silence, de le bâillonner, il se mobilise pour dire non à tous les fanatismes et à tous les fascismes. L’engagement : l’engagement pour des valeurs fondamentales de liberté et de fraternité, mais, aussi, d’égalité. Car nos valeurs républicaines et humanistes ne peuvent prendre corps qu’adossées à la politique et à la justice sociale. Nous autre –élus, parlementaires, corp enseignant, organisations syndicales, entrepreneurs, monde combattant, réseau associatif, autorités religieuses - avons une responsabilité énorme après les attentats de janvier dernier. Nous devons trouver ensemble des réponses. La fidélité : ce fil ténu et solide à la fois, c’est la fidélité à toutes les femmes et à tous les hommes qui, au sacrifice de leur vie, ont lutté de manière si diverse tout au long de notre histoire pour assurer à l’humanité toute entière sa part de lumière, sa part de liberté et sa part de pain. L’éducation enfin, pour prémunir la jeunesse de la haine de l’autre, du racisme et de l’antisémitisme, dont la résurgence doit être combattue sans faillir.
Cette année a été riche en commémorations : le centenaire du génocide arménien et le 70ème anniversaire de l’ouverture des Camps. Nous avons profité de ces commémorations pour travailler auprès des élèves sur les politiques génocidaires, en essayant de trouver les mots justes et surtout d'alerter les plus jeunes sur les processus de discrimination, de persécution, d’extermination et de dissimulation. Puisque le négationnisme est une des composantes des génocides. Et c’est aussi pourquoi il nous faut lutter sans merci contre le négationnisme. Le négationnisme, qui s’insinue sous diverses formes, que ce soit par le langage en banalisant les mots ayant trait à la Shoah ou dans la falsification des faits historiques, qui doit être combattu pied à pied et qui est un crime contre la vérité, est la forme la plus ignoble, la plus abjecte de l'antisémitisme. Et nous aurons la même intransigeance contre toutes les formes de racisme, d’exclusion et de rejet de l’autre.Mais dire et inscrire le crime contre l’Humanité ne garantit pas de la barbarie et des crimes contre l’Humanité. L’actualité du Monde nous renvoie à cet échec : les attentats de janvier, ainsi que les tueries à Montauban contre des soldats, et celle de l’Ecole Ozar Hatorah de Toulouse, qui est le premier attentat antisémite contre des enfants depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Nous devons donc continuer chaque jour à nous interroger sur ce que nous disons, ce que nous professons, ce que nous ignorons.
Aujourd’hui, notre combat pour la tolérance et la fraternité, contre l'antisémitisme, les discriminations, le racisme, tous les racismes, est un combat brûlant. Alors, redire, aujourd’hui, grâce à cette cérémonie que, oui, les juifs se sont engagés dans l’armée française et que, oui, les juifs ont résisté, qu’ils ont rejoint les réseaux, les maquis, l’armée de l’ombre, après l’armée française. Oui, par leur engagement, ils ont illustré l'idée qu'ils se faisaient de la France, celle de la liberté, d'une France non repliée sur elle-même mais universelle et ouverte. C'était il y a plus de 70 ans et pourtant leur exemple conserve toute sa vitalité. La mémoire de la résistance de ces hommes vient s'ajouter comme une composante de l'identité française. Elle est une vigie parmi d’autres pour la transmission aux plus jeunes qui seront l’Humanité de demain. Merci à vous de nous permettre de revenir sur ces épisodes de l’histoire. Et je le répète, la Ville de Paris y est très attachée. Aussi, devant la dépouille de ces combattants héroïques, je voudrais, me faisant l’interprète des parisiens et de leur maire, leur exprimer, une fois encore, notre plus profonde reconnaissance.
Catherine Vieu-Charier